Ma volonté est que mes dessins,mes estampes, mes bibelots, mes livres enfin les choses d'art qui ont fait le bonheur de ma vie, n'aient pas la froide tombe d'un musée, et le regard béte du passant indifférent, et je demande qu'elles soient toutes éparpillées sous les coups de marteaux du commissaire priseur et que la jouissance que m'a procurée l'acquisition de chacune d'elles, soit redonnée, pour chacune d'elles, à un héritier de mes goûts. EDMOND DE GONCOURT

Edmond et Jules

Edmond et Jules

Edmond de Goncourt par Nadar

Edmond de Goncourt par Nadar

jeudi 8 mai 2008

Que pensait la presse 15 jours après la disparition d'Edmond de Goncourt

L’Académie Goncourt




Elle est constituée, ou peu s’en faut, l’Académiette – comme l’appelle M.Emile Faguet. IL ne reste plus guère qu’à trouver dans la succession de M.Edmond de Goncourt les 65.000 francs de rente nécessaires à son bon fonctionnement. Les exécuteurs testamentaires y parviendront-ils ? Peu importe ; même si les collections se vendent mal, même s’il ne leur est alloué annuellement que 3000 francs par tête au lieu de 6.000, les dix héritiers des Goncourt seront beaucoup mieux traités que les académiciens du cardinal de Richelieu.
Ce ne sera pas là, il faut en convenir, une des moindres séductions de la « concurrence ». Non pas que l’homme de lettres soit particulièrement vénal. Mais quelle supériorité, pour un écrivain soucieux des pures formules d’art, de pouvoir concevoir et réaliser, dans un bien-être relatif, des livres qui ne se vendent pas !

M.Alphonse Daudet mis à part (il est avec Emile Zola, le plus gros tirage contemporain), les académiciens désignés par M. de Goncourt se vendent peu. Et voilà bien la preuve que le tirage des livres n’est pas proportionnel à leur mérite. Assurément M Paul Margueritte vaut mieux que ses 5.000 exemplaires réguliers (2.500 francs de droit d’auteur), et la valeur de M. Rosny frères ne saurait se mesurer aux 1.500 qu’ils dépassent guère. Mais la fortune qu’il lègue à la littérature, M. Edmond de Goncourt ne la doit pas non plus à l’admirable talent de son frère et au sien : leur flaire de collectionneurs fut plus efficace que la magie de leur style à accroître leur patrimoine.
Quand l’idée de fonder et de doter un cénacle, sous le nom d’Académie, avait germé dans l’esprit des deux frères, les noms s’étaient inscrits d’eux-mêmes sur leur testament : ceux de Zola, de Barbey d’Aurevilly, de Vallès, de Veuillot, de Cladel, un peu plus tard de Lotti, etc. Les uns ont trahi, les autres sont morts. En dernier lieu, l’embarras de M. Edmond de Goncourt était devenu grand, si grand qu’il est mort lui-même sans avoir complété sa liste. M. Alphonse Daudet s’imposait, et par son talent, et par l’amitié et parce qu’il incarnait l’hostilité contre l’Académie douairière. Mais après lui….
M. Edmond de Goncourt, depuis la publication de son journal au rez-de-chaussée d’un quotidien, était devenu un peu journaliste. Ainsi ont été provoqués ses choix. Il a élu ses voisins de colonnes. De sorte que son Académie se trouve définitive représenter spécialement cette presse nouvelle qui demande aux hommes de talent d’en avoir tous les jours, les oblige à une production incessante et morcelée, galvaude leur « écriture-artiste » et tarit leur imagination. Nul doute que la munificence de M. de Goncourt n’en arrache quelque-uns à ces travaux-forcés du journalisme et ne rende aux lettres maints chroniqueurs surmenés et plusieurs conteurs époumonés.
Seuls MM. Hennique et Huysmans ne se sont jamais prodigués dans les journaux. Ils représentent, à l’académiette, l’exotisme, qui tint tant de place dans les préoccupations des Goncourt. Forcé d’exclure, comme poète, M. Rodenbach, qui est Belge, M. Edmond de Goncourt a certainement été heureux de pouvoir comprendre, dans sa promotion, M. Hennique, né à la Guadeloupe, M. Huysmans, d’origine Hollandaise, et M. Paul Margueritte, Algérien de Laghouat.
Quand l’Académie française élit un historien ou un duc, une notice est indispensable pour faire connaître au grand public leurs titres littéraires. Personne n’ignore ceux d’Alphonse Daudet, Octave Mirbeau, Paul Margueritte et Huysmans.
M. Hennique, qui fut un « soirée de Médan », est l’auteur d’un drame historique qui fut l’un des plus grands succès du Théâtre-Libre : La mort du duc d’Enghein.
MM. Rosny frères, ( qui signent J.-H. Rosny J. est-il l’aîné et H. le cadet ?), cultivent avec persistance le roman préhistorique :
M. La Jeunesse, le dernier venu de la critique, caractérise assez exactement leur manière en disant qu’ils font « du Jules Verne avec du cœur, du sentiment et de l’écriture ». M. Gustave Geffroy enfin est un critique d’art désigné d’ores et déjà pour les fonctions de secrétaire perpétuel de l’Académie nouvelle.
Leur âge ?- M. Alphonse Daudet est né en 1840, M. Mirbeau en 1850, M. Margueritte en 1860… et les autres dans l’intervalle.


M. N.

Article extrait du journal « L’Illustration du 1 août 1896 » avec en page de garde une gravure Les huit de l’Académie Goncourt.

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